Page:La Vie littéraire, II.djvu/251

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lumière, dit son biographe, il reconnaissait la présence de son Sauveur. » Alors il s’écriait, avec la tendresse exquise, la familiarité naïve et les doux reproches des mystiques qui parlent à leur dieu : « Où étiez-vous, mon bon Jésus ? où étiez-vous ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu plus tôt guérir mes plaies ? »

Sous les aspects que je viens d’indiquer, Antoine ne se distingue pas bien nettement des autres solitaires de la Thébaïde, comme lui végétariens et visionnaires. Le fakirisme chrétien devait faire, à quelques années de là, des tours de force beaucoup plus merveilleux. Qu’est-ce que les pratiques d’Antoine auprès de celles de saint Siméon Stylile, qui passa la plus grande partie de sa vie sur une colonne et égala en immobilité les religieux contemplatifs de l’Inde ?

Saint Antoine n’était pas un contemplatif pur. Il travaillait et priait tour à tour, il faisait des nattes de feuilles de palmier. Ses austérités étaient tempérées. Quand il fut vieux, ses disciples obtinrent qu’il leur permît de lui apporter tous les mois des olives, des légumes et de l’huile.

Ce qui fait l’originalité et la grandeur de sa vie, c’est qu’on y rencontre un extraordinaire mélange d’extatisme et d’activité ; contraste qui se retrouve, à treize siècles de distance chez sainte Thérèse. Le vieil ermite inerte, le visionnaire étranger au monde, est en même temps le plus actif, le plus pratique, le plus entreprenant des hommes. Il mène à la fois la double vie du mystique et de l’homme d’affaires. C’est un grand organisateur et un administrateur