Page:La Vie littéraire, II.djvu/276

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perd ou gagne, l’argent qui est sa seule raison d’être. Ils n’ont d’idée sur rien. Ils sont eux-mêmes flottants et abandonnés. Loulou pousse comme une herbe folle.

Est-ce à dire qu’il faille regretter les anciennes disciplines et les vieilles maisons, l’institut des demoiselles de Saint-Cyr, les couvents où Loulou aurait appris la politesse et le respect qu’elle ignorera toujours ? Non, certes. L’éducation de l’ancien régime, étroite et forte, ne vaudrait rien pour la société moderne. Nos aspirations se sont élargies avec nos horizons. La démocratie et la science nous entraînent vers de nouvelles destinées que nous pressentons vaguement.

Loulou est instruite, et fort instruite. Elle apprend beaucoup d’histoire, de chronologie et de géographie. Elle passe tous ses examens. C’est le préjugé de notre temps de donner beaucoup à l’instruction. Au XVIIIe siècle, on n’instruisait guère les filles que dans l’ignorance et dans la religion. Aujourd’hui on veut tout leur apprendre, et il y a peut-être dans ce zèle trop bouillant un instinct obscur des conditions nouvelles de la vie. En effet, si les aristocraties peuvent vivre longtemps sur des préceptes, des maximes et des usages, les démocraties ne subsistent que par les connaissances usuelles, la pratique des arts et l’application des sciences. Il faudrait seulement savoir ce que c’est que la science véritable et ne pas enseigner à Loulou que d’inutiles nomenclatures.

Gardons-nous des mots. On en meurt. Soyons savants et rendons Loulou savante ; mais attachons-nous à l’esprit et non point à la lettre. Que notre enseignement