Page:La Vie littéraire, II.djvu/287

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Voilà la cavalerie macabre dont le bon Pétrus entendait le galop dans son cœur ! Rêve naïf de ces jeunes gens lettrés et sédentaires qui, tout en menant la vie la plus paisible, donnaient à croire au bourgeois qu’ils buvaient toute la nuit les flammes du punch dans le crâne de leur maîtresse ! En ce temps-là un Jeune-France n’allait pas au bureau où il était expéditionnaire sans s’écrier avec un rire sarcastique : « Je suis damné ! »

Ce n’est pas que tout soit ridicule dans ce second mouvement romantique dont Victor Hugo fut l’expression la plus éclatante. Les Jeunes-France jetés avec beaucoup de frénésie et encore plus d’ignorance dans l’exotisme et dans l’archaïsme ne suivaient pas moins deux routes fortunées. Conquérants de cette Germanie poétique découverte par madame de Staël, ils en rapportaient lieds et ballades et la coupe précieuse du roi de Thulé. Ils faisaient passer ainsi dans la littérature française, naturellement raisonnable et raisonneuse, un peu du vague heureux qui fait que la poésie des races germaniques retentit indéfiniment dans les âmes. Par contre, en étudiant le moyen âge, dont ils se faisaient d’ailleurs une bizarre idée, ils réveillaient, à l’exemple du grand Augustin Thierry, les souvenirs antiques de la patrie et découvraient les véritables sources d’inspiration auxquelles une poésie nationale dût s’abreuver et se rafraîchir. Ils ne comprenaient pas grand’chose, étant fort peu philosophes ; mais ils avaient de l’instinct : c’étaient des artistes.

Un des plus beaux poèmes de cette période, Roland, est signé du nom obscur de Napol le Pyrénéen. C’est là le pseudonyme