Page:La Vie littéraire, II.djvu/348

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berceau. C’en est fait. L’homme moderne, lui aussi, a déchiré sa vieille Bible en estampes. Lui aussi, il a laissé au fond d’une boîte de Nuremberg les dix ou douze patriarches qui, en se donnant la main, formaient une chaîne qui allait jusqu’à la création. Ce n’est pas d’aujourd’hui, on le sait, que l’exégèse a trouvé le sens véritable de la Bible hébraïque. Les vieux textes sur lesquels reposait une croyance tant de fois séculaire subissent depuis cent ans, deux cents ans même le libre examen de la science. Je suis incapable d’indiquer précisément la part qui revient à M. Renan dans la critique biblique. Mais ce qui lui appartient, j’en suis sûr, c’est l’art avec lequel il anime le passé lointain, c’est l’intelligence qu’il nous donne de l’antique Orient dont il connaît si bien le sol et les races, c’est son talent de peindre les paysages et les figures, c’est sa finesse à discerner, à défaut de certitudes, le probable et le possible, c’est enfin son don particulier de plaire, de charmer, de séduire. Dans son nouvel ouvrage, si le style n’a pas la suavité abondante qui font des Origines du Christianisme une lecture délicieuse, on y trouve, par contre, une bonhomie, un naturel et comme un air parlé dont ce grand écrivain n’avait pas encore donné d’exemple aussi sensible. Ceux qui ont le bonheur de l’avoir entendu lui-même croient, en le lisant cette fois, l’entendre encore. C’est lui, son accent, son geste. En fermant le livre, je suis tenté de dire, comme les pèlerins d’Emmaüs : « Nous venons de le voir. Il était à cette table. » Dans ce livre, une chose, entre autres, lui est