Page:La Vie littéraire, II.djvu/391

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Mais le destin n’eut point de tort :

 Celle qui vivoit comme Alcide,
 Devoit mourir comme il est mort.

Voilà, certes, un compliment ridicule. J’oubliais quatre vers attribués à mademoiselle de Gournay, la fille adoptive de Montaigne. Quicherat les admirait. M. le duc de Broglie ne croit pas « que le souvenir de la vierge d’Orléans en ait inspiré de plus touchants » . Je suis très éloigné de partager cet avis. Pour qu’on en juge, je les citerai, bien qu’ils soient assez connus :

 — Peux-tu bien accorder, vierge du ciel chérie,
 La douceur de tes yeux et ce glaive irrité ?
 — La douceur de mes yeux caresse ma patrie
 Et ce glaive en fureur lui rend sa liberté !

Le quatrain est bien tourné : c’est tout ce que j’en puis dire. Rien dans cette louche antithèse ne me rappelle la belle illuminée des champs, comme dit admirablement Louis Veuillot, cette fleur de lis si svelte, si robuste, si franche et si fraîche et d’un si grand parfum. Il est douteux d’ailleurs que l’épigramme, sous cette forme, soit de mademoiselle de Gournay. Une autre version, qui appartient assurément à cette dame, est détestable :

 — Pourquoy portes-tu, je te prie,
 L’oeil doux et le bras foudroyant ?
 — Cet oeil mignarde ma patrie,
 Ce bras chasse l’Anglois fuyant.

Non ! ce n’est pas là de la poésie. Et comment poétiserait-on cette divine Jeanne, déjà par elle-même tout empreinte et trempée de poésie ?