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LE BONHEUR[1]


« Il n’y a plus de Manichéens », disait Candide. Et Martin répondit : « Il y a moi. » On dit de même aujourd’hui qu’il n’y a plus de poètes pour faire de longs ouvrages, et M. Sully-Prudhomme répond en publiant un poème philosophique en douze chants sur le Bonheur.

Il faut admirer tout d’abord la fière étrangeté de l’entreprise. N’est-ce point, en effet, un effort admirable et singulier que de déduire en vers une ample suite de pensées, de forger en cadence une longue chaîne d’idées, dans un temps où la poésie, qui semble avoir renié définitivement les vieilles formes héroïques et didactiques, se complaît, depuis trois générations, dans l’ode et dans l’élégie, et se borne volontiers, chez les épiques, à des études ou fragments d’épopée ? Le son-

  1. Le Bonheur, poème par Sully-Prudhomme. 1 vol. in-18, Lemerre, éditeur.