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INTRODUCTION AU LIVRE DES PSAUMES.

des Hébreux, non pas de l’individu en particulier, mais de l’homme en général. David ne parle pas seulement en son nom ; il parle au nom de l’humanité entière, et lorsque l’univers chrétien chante les vers du poète hébreu, comme exprimant ses propres sentiments et ses propres pensées, il ne fait que s’approprier ce qui a été fait pour lui. Quoique l’auteur ait souvent composé ses cantiques à l’occasion d’événements particuliers, il n’en a pas moins franchi les bornes étroites de l’horizon de la Palestine : jusque dans les Psaumes les plus personnels, il a parlé au nom de tous. Quand il célèbre sa victoire sur Goliath, Ps. cxliii, il ne dit point à Dieu :

Que suis-je, ô Seigneur, pour que tu penses à moi ?

Mais s’élevant bien au-dessus de sa personnalité, il s’écrie :

Ô Seigneur ! qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
Le fils de l’homme, pour que tu t’occupes de lui ?
L’homme, qui est semblable à un souffle,
Dont les jours sont comme l’ombre qui passe.vv. 3-4.

Cette largeur de conception et de vues est d’autant plus frappante, que la langue dont il se sert est plus rebelle aux généralisations. Les idées générales et abstraites semblent ne pas exister pour la langue hébraïque, mais le génie du Psalmiste sait lui donner ce qui lui manque ; il oppose sans cesse dans ses chants la petitesse et la misère de l’homme à la grandeur et à la perfection de Dieu :

Quand je regarde ton ciel, l’œuvre de tes doigts,
La lune et les étoiles que tu as faites,
Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui,
Le fils de l’homme, pour que tu prennes soin de lui ?Ps. viii, 4-5.

Ces admirables vers, que nous lisons dans le Ps. viii, l’un des poèmes les plus achevés et les plus parfaits qui existent dans aucune littérature ancienne ou moderne, nous les retrouvons sous une autre forme dans plusieurs autres passages de nos chants sacrés, où la créature est mise également en contraste avec son Créateur.

Mais le Psalmiste ne se contente pas de parler ainsi de l’homme en général, il étend plus loin ses généralisations. Quand il demande à Dieu de juger et de punir ses ennemis, sa pensée, d’un vol hardi, enveloppe dans sa prière tous les peuples qui font la guerre au Seigneur. Il veut se venger des Philistins, et il réclame de Dieu l’abaissement, non pas seulement des habitants de Geth, mais de tous les Gentils :

Échapperont-ils [au châtiment] de leurs crimes ?
Dans ta colère, ô Dieu, terrasse les Gentils.Ps. lv, 8.

Dans les chants de David, le juste et le pécheur, le bon et le méchant, le grand et le petit, le riche et le pauvre deviennent ainsi des caractères généraux, et c’est de la sorte qu’il développe et agrandit le champ de la poésie gnomique qui devait prendre un si grand élan sous son fils Salomon.

Un autre caractère des Psaumes, très important à noter, c’est que l’homme qui est placé en face de Dieu dans ces chants sacrés est très souvent le Dieu-