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fin de roman

Le futur prêtre n’était parti que depuis quelques minutes lorsque Paul Amiens arriva chez son amie. Celle-ci était encore toute agitée, toute bouleversée par l’ardente prière, par la supplication de son fils.

Elle avait une figure tragique.

— Marc sort d’ici, dit-elle aussitôt, et j’ai pris une décision qui va te surprendre et te peiner. Nous ne devons plus nous revoir. Ton amour m’avait fait oublier mes devoirs mais mon fils me les a rappelés. Grâce à toi, j’ai vécu de beaux jours, mais il nous faut oublier cela et je n’aurai pas trop du reste de ma vie pour regretter mes fautes. Il faut nous dire adieu.

En entendant ces étranges et tragiques paroles dont chacune entrait en lui comme une lame de couteau, Paul Amiens était atterré. Il comprit aussitôt qu’une révolution s’était opérée dans l’âme de son amie. Il avait entendu parler de ces pécheurs endurcis qui se convertissaient subitement après avoir entendu un prédicateur prêchant une retraite. C’était un phénomène semblable qui était en train de s’opérer chez la femme aimée. Il réalisa que leur amour était en danger et que ce serait un désastre pour tous deux si elle se rendait à la demande de son fils. Il tenta de la raisonner.

— Tu n’as pas contrarié sa vocation. Tu l’as laissé parfaitement libre de choisir sa voie. Il veut se faire prêtre. C’est son goût, son inclination. Il n’y a rien à dire. Mais, d’un autre côté, je ne vois pas pourquoi il te demanderait de te sacrifier pour lui. Qu’il fasse sa vie comme il l’entend et toi la tienne.

Mais cette logique n’impressionna pas Mme Louye. Elle était arrivée à une heure où, après avoir goûté le bonheur à satiété, elle avait soif de renoncement. Elle était