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LAMENTO[1]


L’après-midi, elle fit sa malle. Elle entassa ses papiers, son linge, ses quelques livres, mettant minutieusement chaque chose en place par une ancienne habitude d’ordre. Lorsqu’elle eut terminé, elle resta un moment debout, les deux mains de chaque côté d’elle, devant la boîte ouverte d’où montait un vieux parfum de lilas. Puis, d’un mouvement brusque, elle toucha au couvercle qui s’abattit avec un bruit mat comme celui d’un cercueil que l’on ferme. Aline restait là immobile. Elle avait clos ses yeux, mais elle voyait clairement à travers ses paupières, à travers les planches. C’était sa vie qui tenait là dans cette malle. Là étaient ses souvenirs, ses reliques d’amour. Là était le portrait de Fleur-Ange, petite ombre blonde aux yeux bleus que la mort avait emportée un lumineux matin de printemps. Là étaient les lettres du fiancé qui l’avait trahie et, enveloppées dans un voile mauve, celles de son amant qu’elle abandonnait aujourd’hui. Là, sèche, décolorée, sans parfum, entre deux feuilles de cahier, était la rose que l’initiateur lui avait donnée le jour fatal. Là aussi, étaient ces innombra-

  1. Avant-dernier et dernier chapitres du roman Lamento, histoire d’une épileptique.