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fin de roman

à la ville. Voyant qu’il y avait déjà une foule réunie là, il continua sa route, se rendant à un autre arrêt à quelques six ou sept minutes de marche plus loin, afin de s’assurer un siège si possible, car il détestait fort faire le trajet debout. Comme il est naturel, il voulait terminer avec satisfaction son voyage à la campagne. Il avait agi sagement, car lorsque la voiture passa un moment plus tard, il ne restait que trois ou quatre places vacantes qui furent rapidement prises par les quelques passagers qui montèrent avec lui. Lorsque l’autobus stoppa à l’arrêt principal, la foule se précipita vers le véhicule, le prenant d’assaut. Tout ce monde se trouva fort désappointé en voyant les sièges déjà occupés. Il faudrait se tenir debout pendant quarante longues minutes au moins et se faire bousculer en plus.

— Avancez, il y a de la place au fond ! criait le chauffeur.

Et l’on s’entassait, l’on se pressait, l’on s’accrochait comme l’on pouvait afin de se tenir debout. Deux femmes, la mère et la fille, montèrent à leur tour, les toutes dernières. La plus jeune, dix-sept ans environ, portait dans ses bras un bébé enveloppé de couvertures de la tête aux pieds.

— Est-ce une manière de voyager avec un enfant ? Il va étouffer, remarqua une grosse brune en voyant le poupon ainsi emmailloté.

Debout à côté de sa fille, la mère regardait à droite et à gauche pour voir si elle ne découvrirait pas un coin où s’asseoir. Elle se tenait justement près de l’homme à la chaloupe jaune et le regardait avec insistance, s’efforçant de l’intimider et espérant qu’il se déciderait à lui donner sa place. Mais confortablement installé sur son siège, celui-ci n’avait nullement l’intention de le céder à une étrangère.