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fin de roman

— Je suis parti à l’heure habituelle, mais nous avons eu un accident. Une automobile conduite par une femme est venue en collision avec le tramway. Son compagnon a été tué et transporté à la morgue, elle-même a été conduite à l’hôpital. La police a été appelée ainsi que le fourgon et l’ambulance. Tout ça nous a retardés de vingt-cinq minutes.

D’avoir couru, le nouvel arrivant avait chaud. Il transpirait. Avec un mouchoir sale, il s’épongea la figure, ensuite, il enleva sa cravate qu’il mit dans sa poche, puis il détacha le col de sa chemise afin de mieux respirer, de se mettre à l’aise.

Et il recommençait le récit de l’accident, s’efforçant de trouver de nouveaux détails.

— Oui, répétait-il, deux secondes de plus et je manquais mon train.

Et cela prenait pour lui une importance énorme.

M. Petipas et M. Péladeau étaient deux vieux copains. Ils s’étaient jadis rencontrés à la table d’un restaurant, avaient causé et avaient découvert qu’ils avaient un goût commun pour la pêche à la ligne. Alors, depuis six ans, chaque dimanche de la belle saison ils allaient passer la journée à la campagne et taquinaient l’achigan et la barbotte. Chaque printemps, ils louaient pour l’été la chaloupe d’un fermier de qui ils achetaient une pinte de lait le midi lors de leur visite hebdomadaire. Ils allaient ensuite chercher un petit pain chez le boulanger et se faisaient une trempette au lait. C’était là leur frugal dîner.

M. Petipas, court avec une très grosse tête et de longs cheveux noirs embroussaillés, était un petit imprimeur. Il avait une boutique exiguë où il exécutait différentes impressions. À l’arrière de son atelier, il avait aménagé une