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fin de roman

Intérieurement, celui-ci reconnaissait l’autre pour son supérieur. Lui, le faible, le timide, il admirait ce hardi compagnon, était fasciné par lui, il éprouvait un violent désir de se rehausser dans l’esprit de cet homme qui, il le voyait bien, méprisait sa couardise. Pour conquérir l’estime de son camarade, il se sentait capable de faire une chose héroïque.

Un après-midi qu’ils étaient encore ensemble, la conversation tomba une fois de plus sur le mystérieux incendie. Alors Dumur éprouva une impulsion irrésistible. Oui, pour se remonter dans l’idée de son ami, il mentirait, il affirmerait une volonté, une énergie qu’il n’avait pas, dont il n’était pas capable.

— Je le connais moi, celui qui a mis le feu.

— Vrai, fit l’autre, dissimulant un éclair de triomphe dans son regard.

— Oui, c’est moi.

— Ah ! mon gaillard, il y a longtemps que je m’en doutais, et je t’arrête.

Deux mois plus tard, Dumur subissait son procès.

Le témoignage circonstancié du détective fut accablant. Celui-ci remporta un beau triomphe en racontant la scène de l’aveu.

Avant de prononcer la sentence, le juge félicita le brave agent de son travail et de sa sagacité.

Dumur reçut dix ans de pénitencier.

 
 

Il se fit une longue pause.

— Si l’on prenait un autre coup, suggéra le narrateur visiblement altéré.

Et les camarades reprirent trois copieux gins.