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Page:Laberge - Hymnes à la terre, 1955.djvu/47

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Heures d’extase


Cet après-midi, j’ai goûté la plus grande joie qu’un être humain peut éprouver sur la terre.

C’est une glorieuse journée ensoleillée de la fin de juin. Dans le ciel d’un bleu admirable flottent de gros nuages blancs qui font naître une quiétude infinie. L’esprit et le corps baignent dans une paix reposante. Et depuis quelques jours, les rosiers plantés des deux côtés de ma maison sont tout fleuris. Des milliers de roses fraîchement épanouies, encadrent la blanche demeure et répandent leur grisant parfum.

Après le dîner, je suis venu m’asseoir en face de ce massif de fleurs et je m’enivre de la vision de ce merveilleux spectacle. Des roses et des roses, de belles roses toutes fraîches qui charment les yeux et réjouissent le cœur et l’esprit. Dans toute sa plénitude. Je goûte la joie de vivre. Rien n’existe que les roses ; tout le reste du monde et de l’univers s’est effacé. Je vois les roses, je respire le parfum des roses et j’éprouve un contentement, un bonheur indicibles.

Chaque minute, chaque instant que je vis là, vaut plus que les existences de bien des hommes. Assis devant les roses, je suis enveloppé d’une béatitude infinie qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer. À, côté de cela, les plus beaux rêves ne sont que de misérables chimères. C’est plus que de la joie que je ressens, je suis plongé dans une extase comme n’en connut peut-être jamais aucun autre homme avant moi. Mon sort est infiniment plus beau, plus désirable que celui des millionnaires, des rois, des empereurs. Là, dans la grande paix de ce jour ensoleillé de juin, je me dis que je suis l’un des favoris du sort. Et quand mes yeux mortels