Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 03.djvu/18

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Scène IV

Célimare, seul

Il ouvre le secrétaire au fond, à droite, et y prend un petit coffret très élégant.

Là… est ma petite collection les lettres de ces dames… Je ne le cache pas… j’ai aimé les dames (gracieusement) et je les aime encore, et je les aimerai toujours ; mais, au moment de me marier, je ne puis garder chez moi ces souvenirs charmants… J’ai fait allumer le bûcher… et je vais consommer le sacrifice. Voyons… on dit que le feu purifie tout. (Prenant un paquet de lettres dans le coffre qu’il dépose sur la table, il s’assied.) Ah ! les lettres de Ninette… ma dernière… une grande écriture rageuse… comme son caractère… (Il se lève.) C’est égal ! c’est une femme qui avait de jolis détails ! D’abord elle avait un mari… J’ai toujours aimé les femmes mariées… Une femme qui a un mari… un ménage… cela vous fait un intérieur… et puis c’est rangé, et c’est honnête… et il est si difficile aujourd’hui d’avoir pour maîtresse une femme complètement honnête ! Quant à la dépense… des bouquets… quelques sacs de bonbons… rien du tout ! Par exemple, il y a le mari… une espèce de gêneur qui s’éprend pour vous d’une amitié furieuse… qui vous raconte ses affaires, vous demande conseil, vous charge de ses commissions… ça, c’est le revers ; moi, j’ai toujours soigné le mari… c’est mon système… Ainsi, celui de Ninette… Bocardon… un courtier en indigo… nous nous tutoyons… mais ces liaisons-là n’ont pas de racines… voilà ce qu’il y a de commode… ça se tranche comme avec un couteau… C’est pourtant un brave garçon, que ce Bocardon… très serviable…