Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’histoire des Colonies m’introduisit dans un monde nouveau. L’Amérique comprend la liberté tout autrement que ne fait la France : au fond c’est la liberté anglaise ; mais comme aux États-Unis il n’y a ni aristocratie ni formes gothiques pour l’envelopper, on en voit mieux toute la simplicité et toute la grandeur.

En France on n’a mis la liberté que dans la charte, et il a toujours semblé qu’avec deux Chambres, une loi électorale et l’abolition de la censure, l’œuvre était achevée. Une centralisation énorme, une administration tout impériale, une religion d’État, l’éducation dans la main du gouvernement n’ont jamais effrayé les politiques du centre gauche (quand la France était centre gauche), et ils n’y ont rien vu d’inconciliable avec la liberté.

Aux États-Unis, au contraire, on n’a pas fait de la liberté politique le simple couronnement de l’édifice ; on sait là-bas que la liberté est chose si lourde qu’elle écraserait tout de son poids, et que rien ne peut la supporter qu’elle-même. Aussi c’est dans les fondements même de la société qu’on l’a placée. On tient là-bas qu’une charte n’est qu’un morceau de papier, et que si la liberté n’est pas d’abord en chaque citoyen, une habitude de sa vie et un besoin de son cœur, la constitution la plus parfaite et la plus libre n’est qu’une dangereuse chimère ; l’exemple de l’Amérique espagnole suffit