Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/538

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Réunissez maintenant un grand nombre de ces petits propriétaires, faites-en un peuple, et à ce peuple essayez d’imposer l’organisation de la société anglaise, parlez-lui de noblesse héréditaire, de substitution, de droit d’aînesse, il ne vous comprendra pas ; non-seulement ces institutions n’ont point chez lui de raison d’être, mais elles y seraient souverainement injustes et oppressives.

Pourquoi une noblesse en un pays où tous sont égaux par le travail et la propriété ; pourquoi un droit d’aînesse là où tous les enfants prennent une part égale à l’œuvre commune ? Pourquoi des substitutions qui favorisent l’oisiveté, là où la société tout entière n’a qu’un but, le travail ?

Voyez-vous comment de cette société ainsi constituée ne peut sortir que l’égalité civile et politique ; car, je le répète, ôtez les richesses princières et l’extrême misère de quelques ports de mer qui rappellent l’Europe, la grande, la très-grande majorité des Américains se compose de propriétaires qui cultivent par eux-mêmes, et par exemple dans les vastes États de l’Ouest, le défrichement est de date récente, et c’est à peine si l’on est à la seconde génération de planteurs. Cincinnati, la capitale de l’Ouest, qui compte aujourd’hui plus de cent mille âmes[1], était, en 1800, un village de

  1. Cent quinze mille quatre cents en 1850 ; ce nombre a fort augmenté depuis lors.