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est celle qui, ne reconnaissant point de privilèges héréditaires, laisse le gouvernement accessible à tous, y élève les supériorités naturelles, et s’abandonne, non point à l’aristocratie artificielle de la richesse ou de la naissance, mais à la véritable aristocratie, c’est-à-dire comme l’indique l’étymologie, aux meilleurs et aux plus capables.

La loi de Jefferson, qui abolissait les substitutions, ainsi que celle qui supprimait le droit d’aînesse et le privilège de masculinité, ont répondu au but qu’on se proposait, celui de détruire cette grande inégalité de fortunes qui, autrefois, prévalait en Virginie. Et non-seulement ces lois ont modifié la distribution du sol et divisé les grands domaines en une multitude d’héritages, mais bien plus, elles ont agi si fortement sur l’esprit public, que, malgré une liberté testamentaire absolue, il est rare aujourd’hui qu’un père de famille avantage un de ses fils au préjudice des autres. C’est un des exemples les plus frappants de l’influence qu’exerce la loi de propriété ; en modifiant la distribution de la richesse, ou plutôt en laissant agir les causes naturelles, elle amène avec l’égalité du sol le goût de l’égalité civile, et l’horreur du privilège[1].

Les effets de ce changement dans la distribution de la propriété sont visibles, dit un biographe de Jefferson,

  1. Sur cette action de la propriété, voyez mon Histoire du droit de propriété. Paris, 1839.