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sur l’utilité d’une telle étude ? Ne sentez-vous pas combien la dernière révolution a rapproché la France de l’Amérique, et combien l’expérience de l’une est faite pour éclairer les essais de l’autre ?

Depuis 1789 la démocratie française a été dans un état de crise perpétuelle, soit qu’on n’ait pas reculé devant la guerre civile et le sang versé, soit que la démocratie ait usé des concessions mêmes de la royauté pour lui disputer le dernier reste de ses prérogatives. Depuis la Constituante, on a lutté pour associer la monarchie et la liberté, ces deux principes que Tacite déclarait incompatibles, et que, plus confiants que Tacite, nous avions cru réunir et concilier dans le gouvernement constitutionnel ; et, durant soixante ans, la lutte, dix fois reprise, s’est toujours terminée par la défaite du pouvoir ; l’opposition a été la vie du pays ; l’opinion a toujours soutenu ceux qui engageaient ce combat inégal contre la monarchie chaque jour plus faible et moins armée.

L’Amérique alors était pour nous un exemple trop éloigné pour être utile ; l’état des deux sociétés n’était point le même ; les idées, les besoins, les désirs, le but étaient différents.

Aujourd’hui, la démocratie est maîtresse absolue ; plus de roi, plus de privilège ; le pays n’appartient qu’à lui-même ; il n’y a plus à détruire, mais à fonder. Ce n’est plus de lutte qu’il faut parler, c’est d’organisation ; c’est une œuvre plus grande