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Je fis venir l’unique commissaire de vivres que nous ayons au camp ; j’appris de lui la triste et alarmante nouvelle que nous n’avions pas une tête de bétail, et qu’il ne lui restait que vingt-cinq barriques de farine.

« Jugez de notre situation, lorsque j’ajouterai qu’on ne peut me dire quand on peut espérer recevoir quelque secours.

« Tout ce que j’ai pu faire, ç’a été d’envoyer quelques troupes légères surveiller et inquiéter l’ennemi, tandis que d’autres troupes étaient aussitôt envoyées de différents côtés pour ramasser, s’il était possible, quelques provisions pour les besoins pressants de l’armée. Cela suffira-t-il ? Non ; trois ou quatre jours de mauvais temps amèneront notre destruction. Que deviendra donc l’armée, cet hiver ?

« … Je le déclare dans la sincérité de mon âme, jamais général n’a été plus entravé que moi dans ses opérations par tous les services de l’armée.

« … Il n’est pas une occasion de surprendre l’ennemi avec succès qui n’ait été perdue ou compromise faute de vivres. Et ce mal si grand, si criant, n’est pas tout. Depuis la bataille de la Brandywine, nous n’avons jamais reçu ni savon, ni vinaigre, ni rien de ce que nous a alloué le Congrès. Quant au savon, nous n’en avons pas grand besoin maintenant ; il est peu de nos hommes qui aient plus d’une chemise, beaucoup n’en ont que la moitié d’une, quelques-uns n’en ont pas du tout… Nous avons 2 898 hommes hors de service, parce qu’ils sont nu-pieds et sans vêtements.

« … Depuis le 4 du mois courant, le nombre de soldats valides a diminué de deux mille hommes, en suite des souffrances qu’ils éprouvent par faute de couvertures. Ils ont été obligés, et un grand nombre l’est encore, de rester toute la nuit assis auprès du feu, au lieu de se reposer en se couchant.

« Il est des gentlemen qui, sans savoir si l’armée prendra ou non des quartiers d’hiver, se croient en droit de nous adresser des reproches. Croient-ils donc que les soldats sont de bois ou de pierre ? qu’ils sont également insensibles au