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LOCKE


LÉGISLATEUR DE LA CAROLINE[1].

Le dernier siècle a vu éclore par milliers ces Constitutions imaginées toutes d’une pièce, ou empruntées de pays voisins ; ces Chartes avec lesquelles on devait, comme avec la baguette des fées, changer sans résistance, non-seulement les lois et les institutions, mais les mœurs, mais le caractère, mais le génie même des nations. Malgré les larmes et le sang qu’elle a coûté, cette erreur dure encore, et, le lendemain d’une révolution, le seul remède que nous connaissions aux maux de la veille c’est d’imposer au pays une constitution nouvelle, c’est de l’envelopper dans cette tunique de Nessus que bientôt, avec des souffrances infinies, il arrachera de son corps en lambeaux. En vain depuis un demi-siècle Burke, De Maistre, Ancillon, Savigny ont démontré jusqu’à satiété que ces gouvernements de papier sont nécessairement stériles quand ils ne sont pas malfaisants ; notre illusion dure encore, et nous courons avec la même ardeur au-devant de cette panacée universelle qui, depuis soixante ans, loin de guérir les maux dont nous nous plaignons, les a toujours aigris. Ce n’est point à l’impuissance du législateur, c’est à la faiblesse humaine que nous nous en prenons de la vanité de ces tentatives ; nous imaginant toujours, qu’avec un peu plus d’énergie, on forcerait la nation à entrer dans le moule spartiate, romain ou anglais qu’elle repousse invincible-

  1. Cet article est tiré d’une des leçons faites au Collège de France, sur l’Histoire de la Constitution des États-Unis.