Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/51

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à répandre la science la plus grande part de son activité et de son talent. Jamais on n’a imaginé cette singulière division du travail, qui fait trois parts d’un même enseignement, le droit romain, par exemple, et donne à l’un l’histoire à l’autre les

    non la réalité ; des certificats, et point de science. Dès qu’on veut user de contrainte, adieu la communion des intelligence.

    « Quel mérite particulier nous autorise donc à mettre nos Université au-dessus des établissements des autres pays ? Ce n’est ni la science achevée des professeurs, ni celle que doivent acquérir nos étudiants, qui distinguent nos Universités des écoles des autres peuples. Ce n’est point sur ce terrain que nous plaçons leur supériorité. Leur triomphe c’est cette organisation dans laquelle le talent de tout désir scientifique de l’étudiant trouve à l’instant même le moyen de se satisfaire ; cette organisation dans laquelle tout progrès de la science est, dès son apparition, mis à la portée des esprits les mieux faits pour l’accueillir, cette organisation enfin qui permet de reconnaître aisément la haute vocation des hommes distingués, et qui, en même temps, relève les plus pauvres natures par le sentiment de leur indépendance et de leur personnalité. Oui, nous avons raison d’être fiers d’une telle institution, et qui connaît nos Universités conviendra que, dans cet éloge, il n’y a rien d’exagéré, rien de plus que l’exacte vérité.

    « Cette facilité de recevoir le mouvement scientifique qui, selon nous, est un des grands mérites de nos Universités, a été souvent le reproche capital qu’on a fait à leur organisation. Comme elles sont aisément accessibles à la vérité, a-t-in dit, ainsi sont-elles accessibles à l’erreur et au mal ; et c’est pour éviter ce danger qu’on a banni de l’enseignement toute liberté, toute individualité. C’est par de pareilles considération qu’on a établi dans une foule de pays ces système exclusifs dont nous venons de parler. Nous n’avons pas l’intention de résoudre ici cette question délicate, mêlée d’ailleurs à d’autres questions non moins difficiles ; Quelques mots suffiront pour le but que nous nous proposons. Quand il apparaît dans un siècle des tendances fausses, et même mauvaises, il faut les accepter comme une épreuve particulière à laquelle Dieu veut nous soumettre, épreuve qu’on ne peut suivre, mais à laquelle il faut résister. En pareil cas, détruire ou affaiblir les forces vives de l’intelligence, parce que dans la lutte elles pourraient passer à l’ennemi, c’est une désastreuse folie. Rassembler tous ceux qui sont prêts à combattre pour la vérité, les encourager, les soutenir, tel est, dans des époques de lutte, le seul rôle qui convienne au gouvernement. D’ailleurs que de raison rendent la liberté des doctrines plus inoffensive dans l’Université que partout ailleurs ! Là toute l’action émane d’un certain nombre de professeurs connus, qui ne se donnent point à eux mêmes leur mission et dont il est facile de surveiller l’enseignement. on ne doit pas craindre, on doit désirer la liberté entre les mains d’hommes qui offrent à l’État d’aussi puissantes garantie. »

    *. C’est à la Bavière que M. de Savigny fait allusion.