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et de succès. Les suppléants, dit le rapport de la Faculté de Paris[1] participent à toutes les fonctions du professorat, oui, à peu près comme les pensionnaires de la de la Comédie-Française remplissent tous les rôles de Messieurs les sociétaires. A vingt-sept ou vingt-huit ans, un jeune docteur, après un concours brillant, est nommé suppléant ; Il est dans toute la force et l’ardeur de l’âge ; c’est le moment où l’État qui le paye a grand soin de ne pas l’employer. S’il n’y a point de professeur absent on malade, le suppléant passera de longues années, sans trouver l’occasion de se produire. Ce moment arrivé, le hasard lui donnera un enseignement qui peut-être ne lui conviendra pas. Quoi qu’il en soit, du jour au lendemain il lui faudra, comme au théâtre, prendre le rôle du professeur de procédure, de droit constitutionnel, ou de droit romain et comme au théâtre, quels que soient son mérite et son succès, le retour du titulaire lui fermera la scène. Du reste, qu’il réussisse ou non nul ne lui en saura gré, et quelque longue qu’ait été la durée de sa suppléance, il n’aura pas plus de droit que le premier docteur venu, sur la chaire qu’il aura remplie honorablement. Ainsi se passe la jeunesse du suppléant, sans profit pour lui, sans profit pour la science car, à quelle étude spéciale peut se livrer un homme que la perspective du concours et la mobilité de l’enseignement préoccupent sans cesse ? Puis enfin vers quarante ans, à l’âge où l’esprit a pris un pli définitif, le hasard en fera un titulaire de Code civil, ou de droit romain, et lui imposera une spécialité qui ne sera pas la sienne. Est-il possible de gaspiller plus tristement de plus précieuses ressources ? et n’est-ce point paralyser à plaisir l’élément par lequel le progrès doit se faire dans la Faculté ?

Au contraire, que ces suppléants deviennent, comme le propose le ministre, des agrégés (ily a toute une révolution dans ce changement de titre) que ces agrégés, véritables professeurs, aient le droit d’enseigner en concurrenceavec les titulai-

  1. Rapport, p. 59