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donner deux cours par semaine avec le même nombre d’étudiants, son traitement dépassera 20, 000 francs[1]. C’est un avenir qui n’a rien d’effrayant, et jamais réforme ne s’est présentée sous de moins rudes apparences.

Faut-il justifier le traitement proportionnel de ces reproches qui courent les rues, qu’il est humiliant pour le professeur, qu’il établira une extrème inégalité entre l’homme qui se borne à la science pure et celui qui enseigne le droit pratique ? Je ne le crois pas ; cependant je dirai sur ce point quelques mots.

J’espère qu’on nous fera grâce de la prétendue humitiation du professeur ; il n’y a jamais de honte à toucher une rémunération pour un service public, et d’ailleurs il serait assez difficile de prouver dans l’espèce qu’il est beau de recevoir dix francs pour un examen et humiliant de toucher ces mêmes dix francs pour un cours. Des deux fonctions d’examinateur ou de professeur, s’il en est une qui puisse s’honorer du service rendu, et qui mérite un légitime et noble salaire, assurément c’est la première.

La seconde objection est plus spécieuse, mais il est aisé de parer l’extrême inégalité en établissant, comme en Belgique, plusieurs catégories de traitements fixes, et en réservant ces traitements élevés aux professeurs les moins favorisés par la nature de leur enseignement. D’ailleurs, ainsi qu’on le voit par l’exemple de l’Allemagne, il est rare qu’un professeur se tienne à un seul cours, et d’ordinaire il joint à des leçons de science pure quelques leçons plus suivies. En France, comme en Allemagne, il sera donc toujours facile au titulaire de s’assurer par

    de leur conserver leur traitement ; il est certain que ce traitement est un véritable droit acquis, et que nulle réforme n’est légitime qu’à condition de respecter le titre et le salaire du professeur.

  1. Quant aux étudiants, dont l’intérêt est non moins respectable que celui du professeur, il semble que leurs dépenses ne seraient pas sensiblement augmentées. Les frais d’études pour les trois années de droit montent à 814 fr. Si l’État ne voulait s’attribuer que le quart de cette somme, le reste serait suffisant pour payer cinq cours par année, c’est-à-dire un enseignement double de celui que donne aujourd’hui la Faculté.