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Éliane ! Veuillez, s’il vous plaît ne plus aborder ce sujet. »

— « C’est bien, Lucia, n’en parlons plus. »

« Pauvre Lucia ! » se disait Éliane, tout en rangeant des livres dans la bibliothèque. « Elle se laissera mourir dans cette caverne plutôt que de la quitter… Pourtant, nous l’emmènerons avec nous, malgré elle s’il le faut, si nous partons d’ici. »

S’approchant du couloir où étaient les œuvres de Molière, Éliane appela :

« Monsieur ! »

— « Mlle Éliane ! » répondit la voix du captif.

— « Je n’ai rien de nouveau à vous apprendre, » dit Éliane. « Lucia est plus mal et nous formons toujours des plans pour partir d’ici… Nous ne partirons pas sans vous, bien sûr ! »

— « Merci, Mlle Éliane… Voilà plus de dix ans — onze ans, douze ans peut-être que je suis ici et… »

— « Si longtemps que cela ! » s’écria Éliane. « O Monsieur, que je vous plains !… Mais, chut ! On vient ! »

C’était Paul qui venait porter le lunch dans la bibliothèque. Le plateau était, comme chaque jour d’ailleurs, chargé de mets de toutes sortes.

« Paul, » dit Éliane en souriant et désignant le plateau, « tu dois me croire affligée d’un colossal appétit ! »

Paul sourit, puis, se penchant à l’oreille d’Éliane, il murmura :

« Vous êtes TROIS ! »

Éliane fut tellement surprise, qu’elle laissa tomber par terre le catalogue qu’elle tenait à la main… comment !  !.. Paul savait !… Il savait, cet enfant, qu’elle avait donné asile à deux prisonniers. « Vous êtes trois… et Éliane ne s’en était pas douté… Paul continuerait à se taire, de cela la jeune fille était convaincue ; mais comment l’enfant avait-il découvert… ».

« Je vous en prie, Mlle Lecour, » dit Paul, « n’allez pas croire que je vous ai surveillée… Certes, non !… Mais, le soir où M. Castello et Mlle Lucia sont sortis, après être allé vous dire que j’avais servi votre goûter dans la bibliothèque,