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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

moins verts… comme fanés ?… Arrête la voiture à cet endroit et je te dirai ce qu’il faut faire pour pénétrer chez moi.

La voiture venait de s’arrêter et Yvon avait sauté par terre. S’approchant de Lionel Jacques, il écoutait les instructions de ce dernier :

— À droite, sous les branches de sapins, tu trouveras une poignée en cuivre ; aussitôt que tu l’auras trouvée, dis-le-moi.

Cherchant sous les branches, Yvon eut vite découvert la poignée en question.

— Tourne cette poignée, à droite, trois fois, d’abord.

— C’est fait, M. Jacques !

— Tourne-la à gauche, deux fois, maintenant.

— C’est fait ! répéta Yvon.

— Une fois encore, à droite.

— Ah ! s’exclama le jeune homme.

Car une haute et lourde porte d’acier, recouverte de branches de sapins, venait de s’ouvrir, et derrière cette porte, il venait d’apercevoir la plaine verte et unie, parsemée de vergers, tandis qu’à sa droite se dressait une grande maison blanche, ornée de contrevents verts et entourée de galeries, blanches elles aussi. Surmontée d’une tour carrée, toute vitrée, qui devait servir, qui pouvait servir dans tous les cas d’observatoire, cette maison était littéralement enfouie dans une forêt de pommiers.

— C’est là votre demeure, M. Jacques ? demanda Yvon. C’est splendide !

— Oui, voici ma demeure, mon garçon. Et… vois…

Du geste, Lionel Jacques désigna la gauche et aussitôt, Yvon eut une exclamation étonnée :

— Mais… Il y a tout un village ici !… Un village, fortifié par une haute muraille en sapins !

— Un petit village, tu sais. Yvon, répondit, en souriant, Lionel Jacques. Trente maisons en tout… Mais tout cela m’appartient, et je t’offre l’hospitalité chez moi de grand cœur, cher enfant.

— Merci, M. Jacques, merci !

— Pourquoi ne passerais-tu pas le reste de ton congé avec moi ?

— Votre invitation me tente…

— Il faut l’accepter alors… Je le répète, ce n’est pas grand (le village, je veux dire) : deux milles, carrés, c’est tout.

— Et tout cela est à vous ! s’écria Yvon.

— Oui. C’est mon domaine… Tu le vois, il y a ici toute une fortune en pommiers, et puis, la terre est bonne, excellente même.

— J’aperçois une église ! s’écria le jeune homme, au comble de l’étonnement.

— Et le presbytère est tout à côté… Mais, allons ! Il se fait tard déjà et je t’avouerai bien que je commence à ressentir les tiraillements de la faim. Rendons-nous à la maison ; nous y sommes attendus, je crois.

— Ça va mieux, Monsieur ? fit une voix soudain.

Un homme assez âgé venait d’arriver près de la voiture ; occupés à causer ensemble, ni Lionel Jacques, ni Yvon ne l’avait vu s’approcher.

— Ah ! Jasmin ! s’écria Lionel Jacques.

— Ça va mieux, Monsieur, je l’espère ? répéta Jasmin.

— Oui, merci, mon bon Jasmin. Et ici, tout va bien ?

— Comme sur des roulettes, Monsieur… Tout le monde est heureux à la pensée que vous nous revenez enfin.

Tout en parlant, Jasmin, le domestique de Lionel Jacques, avait marché à côté de la voiture, qui procédait vers la maison, à laquelle on arriva, au bout de quelques instants. Le malade était attendu, c’était manifeste ; car, sur la large véranda une chaise roulante ornée de coussins moelleux était installée. À côté de la chaise, Yvon aperçut une table, mise pour deux.

— J’ai pensé, Catherine et moi nous avons pensé, que vous aimeriez à souper sur la véranda, ce soir. Messieurs, dit Jasmin, en désignant la table.

— C’est une excellente idée que vous avez eue là, Jasmin ; n’es-tu pas de mon avis, Yvon ?

— Certes ! On ne saurait désirer mieux, M. Jacques ! fit le jeune homme.

M. Ducastel passera quelque temps ici, Jasmin, dit Lionel Jacques à son domestique, en désignant notre jeune ami.

— Bien, Monsieur ! répondit Jas-