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la gardienne du phare

À ce moment, la porte de la bibliothèque fut poussée du dehors et Zénaïde, échevelée, défaite, apparut sur le seuil.

« Mademoiselle, Mademoiselle, » cria-t-elle, « il est dix heures passées et Madame ne m’a pas encore sonnée !! »

« Il faut aller frapper à sa porte, Zénaïde ! Madame Dumond n’était pas bien hier soir ; peut-être est-elle plus malade ce matin, » s’exclama Claire, très-inquiète elle-même.

— « Je n’ose y aller. Mademoiselle ! » répondit la jeune servante.

En ce moment, des pas lourds se firent entendre dans le corridor ; c’était la vieille Azurine qui arrivait sur la scène.

— « Bien, la Zénaïde » dit-elle rudement, « Madame est-elle malade qu’elle ne descend pas déjeûner ? »

— « Madame n’a pas encore sonné, » répondit Zénaïde.

— « Pas encore sonné à cette heure… Monte, tout de suite, frapper à sa porte ! »

Mais Zénaïde se tassa le long du mur en faisant signe que non.

— « Iras-tu, misérable folle ! » s’écria Azurine, en saisissant le bras de Zénaïde.

— « Non, non, » pleura celle-ci en se cramponnant à Claire. « Mademoiselle, je ne peux pas… J’ai peur, j’ai peur !  ! »

— « J’irais bien moi-même, » dit Claire, « seulement… »

— « Je vais y aller, moi », dit Azurine. Puis, lançant un regard méchant à Claire : « Quand on a la conscience claire, on ne craint rien. »

De son pas alourdi, la vieille femme gravit l’escalier. Claire et Zénaïde l’entendirent marcher dans le corridor supérieur, puis frapper, à coups précipités, à la porte de chambre de Madame Dumond. Claire et la jeune servante montèrent l’escalier à leur tour, Zénaïde tenant Claire par sa robe tout le temps. Comme elles arrivaient à la porte de la chambre de Madame Dumond, Azurine sortait de cette chambre. Elle plaça sa corpulente personne au-devant de la porte, étendant ses deux bras en croix. Des larmes coulaient sur ses joues flétries ; mais ce fut d’une voix rude qu’elle dit :