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surpris des fiançailles de Roxane et de Hugues. Mais quand le père Noé apprit la nouvelle et que Rita lui parla des Peupliers lui disant qu’ils iraient tous y demeurer bientôt, il eut une exclamation qui intrigua un peu la petite.

— Les Peupliers ! Ah ! Pauvre M. Hugues !

Oui, en effet, pauvre Hugues, faisant des projets d’avenir, sans se douter des revers et des épreuves sans nombre que cet avenir lui réservait !


CHAPITRE XVI

APRÈS LA JOIE LA PEINE


C’est le Docteur Philibert qui raconta à Hugues les évènements qui se passaient aux Peupliers, depuis la mort de M. de Vilnoble.

C’était le lendemain du pique-nique sur la rivière des Cris. Aux Barrières-de-Péage, on sortait de table, après le repas du midi, quand le timbre résonna dans la salle d’entrée.

— Ne vous dérangez pas, Mlle Roxane, dit Belzimir ; je vais aller faire la collecte.

Le domestique sortit, et au bout de quelques instants, on entendit des pas dans la salle, puis le Docteur Philibert parut, dans l’encadrement de la porte, entre la salle et la cuisine. Quelle joie pour tous de revoir le bon médecin ! Tous, même Hugues, accoururent au-devant de lui.

— Cher cher Docteur Philibert ! s’écria Roxane, en donnant au médecin un baiser affectueux.

— Oh ! C’est le bon Docteur ! s’exclama Rita, en se suspendant au cou du médecin.

— Ça va mieux, tout à fait bien même, Docteur ? demanda Hugues, en tendant la main au vieil ami de son père.

Jusqu’à Belzimir, qui avait le visage souriant.

Le Docteur Philibert fut très-ému de la réception qui lui était faite ; sur sa figure joviale se lisait un grand attendrissement.

— Merci, mes enfants ! dit-il. Puis se tournant vers Hugues, il ajouta : J’étais venu te faire une visite professionnelle, Hugues ; mais je vois que tu n’en as pas besoin.

Tout en parlant, Roxane, Hugues et le médecin pénétrèrent dans la salle. Rita s’était excusée, disant qu’elle allait à l’étable soigner Zit.

— Je suis tout à fait guéri, ou presque, Docteur, répondit Hugues. Bientôt, je pourrai me tenir en selle et je compte me rendre aux Peupliers, dans le courant de la semaine prochaine.

— Aux Peupliers ! s’écria le Docteur Philibert, dont le visage s’attrista soudain.

— Mais oui, aux Peupliers ! Et, Docteur, si Mlle Roxane me le permet, j’aurais une grande nouvelle à vous apprendre… Le permettez-vous, Roxane ? demanda Hugues, en se tournant vers la jeune fille.

Elle fit un signe affirmatif et Hugues reprit, s’adressant au médecin :

— Docteur Philibert, voici ma fiancée !

— Ah ! dit le médecin. Je vous félicite, mes enfants ! Vous êtes dignes l’un de l’autre !

— Merci, Docteur ! dit Hugues. Je considère que je suis l’homme le plus heureux du monde… Comme je vous le disais tout à l’heure, j’irai aux Peupliers aussitôt que je le pourrai, pour voir ce qui s’y passe. Nous nous marierons à l’automne, ma Roxane chérie et moi, et il y a des réparations que je ferai faire aux Peupliers, immédiatement… D’ailleurs, on me dit que ma cousine Yseult fait des siennes, depuis le décès de mon père, et qu’elle mène tout… et tous d’une main de maître, dans la maison qui m’appartient, de par le testament de mon père. Or, je trouve que ma cousine prend trop de libertés et je vais…

Une expression douloureuse se peignit sur les traits du médecin, et ce fut d’une voix tremblante qu’il dit :

— Hugues, mon pauvre Hugues, si Yseult Dussol prend tant de libertés, comme tu le dis, aux Peupliers, c’est que, hélas, elle en a… le droit.

— Le droit ! s’écrièrent, en même temps, Roxane et Hugues.

— Le droit, Docteur Philibert ! dit, de nouveau Roxane. Mais… vous savez bien que, d’après le dernier testament de M. de Vilnoble…

Le Docteur Philibert leva la main, en signe de dénégation.

— Testament qu’on n’a pu trouver, et dont la mystérieuse disparition a causé la mort du fidèle Adrien.

— Mais, dit Roxane, ce testament, je l’ai signé moi-même, comme témoin je le jure, et Adrien…

— Ah ! je le sais bien… Je sais tout… Mais on a prétendu que M. de Vilnoble aurait changé d’idée, et que, après le départ d’Adrien (lorsque celui-ci était allé enlever la selle à Jupiter) M. de Vilnoble se serait levé et qu’il aurait brûlé son testament fait en faveur de son fils… testament dont on a retrouvé les cendres dans le foyer.

— C’est impossible ! Impossible ! cria Roxane. M. de Vilnoble… mais, il se mourait ; il n’aurait pu se lever !… Hugues ! Hugues ! Il y a du mystère dans ceci ! Votre père se lever pour détruire son testament ! Lui ! Un moribond.

— M. de Vilnoble, quand on l’a trouvé, mort, avait la moitié du corps sorti de son lit ; on a donc cru…

C’est impossible ! Impossible, vous dis-je ! Quand j’ai quitté la chambre de M. de Vilnoble, avec Adrien, votre père, Hugues, était à l’agonie.

— Hélas, Mlle Monthy, dit le médecin, le fait est là : le dernier testament de mon vieil ami n’a pu être retrouvé. Un document légal avait été brûlé dans le foyer de sa chambre et…

— Alors, ma cousine Yseult… commença Hugues.

Mlle Yseult Dussol, à cause de la disparition du dernier testament de ton père, Hugues, est l’héritière de celui-ci. Mme Dussol ne fait que pleurer et protester contre l’injustice de M. Vilnoble à ton égard.

— Docteur, dit Roxane, je donnerais deux ans de ma vie pour pouvoir sonder le mystère qui enveloppe la disparition du dernier testament de M. de Vilnoble, fait en faveur