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Je ne crois pas qu’il y ait le moindre danger ; non seulement je le crois, mais j’en suis sûre.

Encore cette étrange expression sur le visage d’Yseult, qui quitta la chambre immédiatement.

— Est-elle désappointée ou contente que son mari ne soit pas en danger de mort ? se demanda Roxane. Pauvre femme ! Quoiqu’elle soit coupable, elle aussi, en ce qui concerne le testament de M. de Vilnoble, je suis portée à la plaindre de tout mon cœur… Mais, allons ! J’entends la voiture qui s’éloigne de la maison… À l’œuvre, et sans perdre un instant !

À la course, elle se rendit auprès de Souple-Échine qui, complètement remis de son indisposition ( ?) avait repris ses fonctions de portier.

— J’ai besoin de toi, Souple-Échine !

Le petit sauvage suivit la jeune fille, sans demander ni comment ni pourquoi et celle-ci le conduisit à l’étude de Champvert, devant le coffre-fort.

— Tu vois ce coffre-fort, Souple-Échine ? lui dit-elle. Il contient un document important, très important pour Tit maître.

— Pour Tit maître, répéta le jeune sauvage.

— Je vais essayer d’ouvrir ce coffre-fort, reprit Roxane. Si je réussis, tu iras immédiatement porter le papier que je te remettrai, au Docteur Philibert. Tu selleras Jupiter…

— Souple-Échine a compris, belle dame, dit l’enfant.

Inutile de dire que la conversation ci-dessus s’échangeait à voix basse entre la jeune fille et le petit Sauvage.

— Rends-toi dans la chambre de M. Chamvert, et surveille bien, afin que je ne sois surprise par qui que ce soit.

— Souple-Échine connaît son devoir, répondit l’enfant, en se dirigeant vers la chambre de Champvert.

Roxane, le cœur battant bien fort, s’approcha du coffre-fort et se mit à en examiner la combinaison. Il s’agissait de tourner la poignée, toujours à droite, pour former le nom : « Réa ». Comme ses doigts tremblaient ! Elle allait donc tenir dans ses mains, enfin, le précieux testament ! ! !

Tournant la poignée avec précaution, elle atteignit la lettre « R », ensuite, la lettre « E », puis la lettre « A ». Jetant un coup d’œil autour d’elle pour être sûre qu’elle n’avait pas été vue, elle saisit la grosse poignée d’acier du coffre-fort, et elle tira de toutes ses forces… La porte ne s’ouvrit pas…

Une sueur d’angoisse perla à son front. Elle avait pourtant suivi toutes les instructions du Docteur Philibert !… Cependant, les lettres, autour de la serrure étaient fort rapprochées ; rien de plus facile que de se tromper : atteindre la lettre « S » par exemple, au lieu de la lettre « R », la lettre « F » au lieu de la lettre « E », ou la lettre « B », au lieu de la lettre « A ». Elle allait essayer encore !

Ce fut inutile hélas !… Roxane le comprit soudain : Champvert avait changé le mot faisant mouvoir la serrure. Probablement c’était un mot plutôt qu’un nom maintenant ; dans ce cas, tout était perdu !… Combien de mots de trois lettres seulement dans notre langue !… Peut-être même, le notaire avait-il choisi trois lettres, au hazard…

Un grand découragement saisit Roxane devant son échec, et des larmes pressées se mirent à couler sur ses joues. Mais, elle allait essayer encore une dernière fois… Qui sait ?… Peut-être que…

Combien de fois essaya-t-elle ? Vingt fois, trente fois, pour le moins… sans aucun résultat…

Tout à coup, elle entendit un bruit de roues dans l’avenue des Peupliers ; c’était Yseult qui revenait de sa promenade en voiture ! Sa tentative avait avorté et, qui sait quand pareille chance se présenterait de faire un nouvel essai ?…

Pour le moment, il fallait presser Souple-Échine de retourner à son poste, afin qu’il pût ouvrir la porte à Mme Champvert.

Restée seule, Roxane se jeta sur le canapé de l’étude et elle éclata en sanglots.


CHAPITRE XIII

L’OMBRE BLANCHE


Depuis que son mari était malade, Yseult couchait dans son boudoir.

Deux jours s’étaient écoulés, et Champvert, s’il n’était pas encore guéri était certainement beaucoup mieux. Il est vrai qu’il avait encore des crises de délire et aussi de longs affaissements ; mais le Docteur Philibert assurait que, bientôt, le malade reviendrait à son état normal.

Le cocher ne couchait plus dans l’étude, et, la nuit précédente, Roxane s’était fait remplacer au chevet du blessé par Sophranie. Cette nuit, cependant, notre héroïne reprenait son rôle de garde-malade.

Minuit venait de sonner, Champvert dormait, sous l’effet d’un calmant. Roxane, très fatiguée, s’était installée dans un fauteuil confortable ; elle faisait des efforts inouïs pour ne pas céder au sommeil. Enfin, le besoin de dormir devint si impérieux qu’elle se leva, s’approcha du lit, regarda le malade, pour s’assurer qu’il dormait paisiblement, et comme il n’y avait pas de remèdes à lui administrer, avant deux heures du matin, elle s’assit de nouveau, puis, vite, elle ferma les yeux et s’endormit.

Qu’est ce qui l’éveilla subitement, vers une heure du matin ?… Elle n’eut pu le dire… Ouvrant soudain les yeux, elle se mit à frissonner, en jetant un regard inquiet autour d’elle. Champvert s’était-il éveillé et avait-il appelé ?… Elle écouta… La respiration régulière du malade lui parvint distinctement… Alors ?… Qu’y avait-il ?… À part la respiration du blessé, il n’y avait pas le moindre bruit… Pourtant, la fiancée de Hugues de Vilnoble avait la sensation de n’être plus seule dans la chambre avec le notaire… Elle pressentait une présence non loin d’elle et… Écoutez !… Un léger froissement, comme celui d’une étoffe très souple puis une sorte de glissement doux sur le tapis…

Sans s’expliquer pourquoi elle agissait ainsi, Roxane fit semblant de dormir… Il y avait certainement quelqu’un dans la chambre, quelqu’un qui marchait avec une extrê-