Page:Lacerte - Roxanne, 1924.djvu/76

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son, ils sont très gais, très joyeux, tous deux. Mme Philibert a l’air d’attendre quelqu’un, car elle court d’une fenêtre à l’autre et examine la route, à chaque instant.

— Ma pauvre Blanche, dit le Docteur Philibert, tu te fatigues inutilement ; ils ne peuvent pas arriver maintenant…

— Les voilà ! Les voilà ! cria Mme Philibert.

Suivie de son mari, elle sortit sur la véranda, et bientôt, tous deux accoururent au-devant d’une voiture fermée, qui venait de pénétrer sur le terrain du Valgai.

De cette voiture descendit d’abord, Armand de Châteauvert, qui tendit la main à une radieuse jeune femme, que nous reconnaîtrons facilement : c’est Lucie.

— Mes enfants ! Ô mes enfants ! s’écrie Mme Philibert, en pressant les jeunes époux dans ses bras.

— Chers enfants ! dit le Docteur Philibert, à son tour.

Mais, voilà qu’Armand retourne à la voiture, afin d’aider à quelqu’un d’en descendre. Cette personne, c’est une bonne, qui porte dans ses bras un mignon paquet tout de dentelles et de broderies. Lucie prend ce précieux paquet des mains de la bonne et elle le présenta à Mme Philibert.

— Voici la surprise dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre, mère, dit-elle.

— Un enfant ! criaient, en même temps, le Docteur et Mme Philibert.

— Mais oui, dit Lucie, en riant ; c’est notre fils, âgé de un mois et demi déjà.

Mme Philibert pressait l’enfant contre son cœur, riant et pleurant à la fois. Le Docteur Philibert s’émerveillait de la beauté du bébé. Mais bientôt, tous se dirigèrent vers la maison.

— Comment se nomme-t-il, le chéri ? demanda la mère d’Armand, en couvrant de baisers son petit-fils.

— Nous ne l’avons pas nommé encore, répondit Lucie. C’est son grand-papa et sa grand’maman Philibert qui lui choisiront un nom, le jour de son baptême… car nous comptons bien que vous serez, tous deux, parrain et marraine de notre cher trésor… Acceptez-vous, père ?… Et vous, mère ?…

— Si nous acceptons ! s’écrièrent, en même temps, le Docteur et Mme Philibert.

Pendant le souper, on parla de Roxane et de Hugues et le médecin dit :

— Ils viendront passer la veillée avec nous ; ils l’ont promis.

— Et petite Rita ?

— Rita est en bonne santé, et elle se plait bien aux Peupliers.

Hugues et Roxane, fidèles à leur promesse, vinrent veiller au Valgai. Inutile de dire qu’on fut heureux de se revoir, de part et d’autre, Roxane, en déposant un baiser sur le front du bébé de Lucie, eut une expression singulière d’envie dans les yeux et une larme tomba sur les boucles blondes de l’enfant.

Hugues et Roxane étaient aussi heureux qu’il est donné de l’être en ce bas-monde. Les Peupliers étaient devenus un lieu enchanté depuis que Mme de Vilnoble en était la maîtresse.

Il s’était passé quelques événements, depuis le double mariage de Hugues et de Roxane, d’Armand et de Lucie, mariage qui avait eu lieu immédiatement après le retour de la jeune fille, des plaines de l’Alberta.

Tout d’abord, les Barrières-de-Péage se trouvaient abandonnées, maintenant que Roxane était mariée et que Rita demeurait avec elle, aux Peupliers. Belzimir avait suivi ses jeunes maîtresses. Mais, la veille du mariage de Roxane, la barrière de péage avait été abolie, ce qui avait causé une secrète peine à la jeune fille ; n’avait-elle pas été la gardienne de cette barrière durant l’espace de quelques inoubliables mois ?…

Un soir, deux mois plus tard, Hugues, après le dîner, présenta un papier à sa femme, en disant :

— Tiens, Roxane, ma chérie, ce papier t’appartient.

— Qu’est-ce donc ? demanda Roxane, en dépliant le papier. Puis elle s’écria : Mais ! C’est un document… et je n’y comprends rien, Hugues !

Hugues se mit à rire.

— Ce papier, Roxane, dit-il, est une donation que je te fais des Barrières-de-Péage que je viens d’acquérir, avec tout le terrain jusqu’à la ferme Monthy.

— Oh ! Hugues, cria la jeune femme, quel splendide cadeau !… Ainsi les Barrières-de-Péage m’appartiennent, à moi !… C’est un cadeau princier !

— Pour lequel on m’a demandé un prix assez minime, à la condition que nous donnerions droit de passage sur le pont, pendant cinq ans encore.

— Hugues ! Hugues ! Merci de tout mon cœur ! dit Roxane, en entourant de ses bras le cou de son mari. Que je t’aime !

— Et moi, je t’adore ! répondit l’heureux époux.

— Hugues, il me vient une idée ! s’exclama la jeune femme soudain. Si tu voulais y consentir… nous installerions aux Barrières-de-Péage le père Noé et Mlle Catherine, sa fille.

— C’est une excellente idée, ma chérie !

— N’est-ce pas, cher ?… Le père Noé et sa fille habitent une misérable cahute, qui ne leur appartient même pas, comme tu sais ; de plus, le vieux facteur va être mis à sa retraite, à cause de ses rhumatismes, qui l’empêchent de remplir plus longtemps ses fonctions. Il ne leur restera alors que l’argent que Mlle Catherine gagne, à faire de la couture, et ce n’est pas beaucoup.

— J’approuve ton plan, ma Roxane, dit Hugues.

— Alors, pourquoi n’allons-nous pas immédiatement chez eux, leur annoncer la nouvelle ?

Hugues donna l’ordre de seller Bianco et Jupiter, et bientôt, les deux époux partaient accomplir leur mission de charité.

Ils trouvèrent le père Noé, en frais de faire du feu dans le poêle rouillé de l’unique pièce de la cahute, tandis que Mlle Catherine achevait de coudre de la garniture sur une robe. Inutile de dire si les de Vilnoble furent les bienvenus chez ces pauvres gens !

Quand le vieux facteur et sa fille appri-