Page:Lacerte - Roxanne, 1924.djvu/89

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—Oui, elle a un autre nom. Mais c’est ainsi qu’on l’appelle à cause de sa gentillesse. Ensuite, si tu l’as un peu regardée, elle est menue, d’une petite taille...oh ! ça ne l’empêche pas d’être très élégante. —.Mais son nom...le vrai ? —.Mademoiselle Buchet. ■ —Buchet ? —Oui...elle est française. Mieux que cela, elle est parisienne. i —»C’ést-â-dire qu’elle l’était. —Oui, mais elle a perdu un peu de son accent de Paris. (Ma soeur me dit qu’on la prendrait pour une vraie petite canadienne. —iC’est égal, et quoi que*1 tu m’en dises, Je veux la revoir cette petite modiste !.... Mademoiselle Buchet... Vraiment elle-m’a fait un effet... —Veux-tu que je te fasse présenter par ma soeur ? —Non...Je. n’aime pas les intermédiaires. Merci. Mon métier de reporter, tu sais, me permet de m’introduire là où un autre ne serait qu’un vulgaire intrus. C’est un Sésarme ! —C’est vrai. Eh bien ! je te souhaite bonne chance, se prit encore à rire l’architecte. —Pourquoi ris-tu ? —Je te trouve drôle simplement. D’abord, tu ne penses qu’à LA FEMME D’OR, et, du moment que celle-ci t’échappe, tu te jettes sur une autre. Ensuite, il me semble, que tu as juré à Audet q/fe tu finirais par savoir ce qu’est cette FEMME D‘OR. —Penses-tu que je l’ai déjà oubliée ? —Tu y tiens donc encore ? —Plus que jamais, mon cher. LA PETI-TE ] MODISTE n’est ici qu’un intermède. Et puis, qui nous dit que cette petite modiste n’est pas la couturière de LA FEMME D’OR ? —C’est possible, bu mieux ce n’est pas impossible. —Alors, tant qu’une impossibilité n’a pas . été bien et dûment démontrée, il reste toujours des chances qu’il ne faut pas négliger. Seulement, ce qui m’embête pas mal, c’est la piste que j’ai perdue ce soir. Mais je vais avoir l’oeil sur la rue Deinontigny, c’est moi oui te le dis. En attendant, allons manger un morceau, j’ai une faim de tigre. —Où allons-nous ? —Au Restaurant Royal près de l’avenue Hôtel de Ville. L’endroit est nouvellement .établi et je me suis laissé dire qu’on y mange excellemment. —Allons ! —-Et puis, je veux de là téléphoner à Audet. ajouta le reporter. —Pourquoi ? —Pour lui demander s’il a vu LA FEMMF D’OR, ou pour savoir s’il s’est mis sur la piste de nouveau. —Allons donc au Restaurant Royal ! Moins de cinq minutes après les deux amis pénétraient dans le restaurant qui, à cette heure de nuit (il était une heure), élait désert. Les deux amis, dédaignant de s’installer dans l’un des petits salons particuliers aména gés à une extrémité du lieu, près des cuisines, prirent place à une table de la salle commune. Une jeune fille, faisant le service de nuit, vint se mettre à la disposition des jeunes gens. Pendant qu’elle installait le couvert et les aliments commandés, le reporter alla au téléphone placé dans un petit cabinet. En quelques minutes il fut mis en communication avec Jacques Audet. —Je ne pensais pas te trouver chez toi, Audet, dit le reporter. —-Pourquoi ? —Je te croyais lancé à la poursuite de LA FEMME D’OR ! 7—‘Ne t’ai-je pas dit que j’y avais renoncé depuis belle lurette ? —Mais tu l’as revue ce soir au théâtre ? —Dans sa loge du balcon ? Certainement. —-Elle ne t’a pas regardé ? —Elle ne pouvait me voir facilement, je me trouvais placé au milieu du parterre. —C’est vrai. Peux-tu deviner ce qui m’est arrivé ? —Non. Quoi donc ? —Elle m’a regardé ! —Vrai ? —Elle m’a souri ! —Bigre ! tu es donc dans ses bonnes grâces ?

se mit à rire Audet.

—Pas encore. Après l’acte je me suis rendu à sa loge. —Tu est plus qu’audacieux ! —Non., la loge était vide ! —Ah bon.... —-Pas si bon que ça...j’ai été désappointé ... mais désappointé... —Ensuite ? —Je l’ai revue sur la rue au sortir du théâtre. —Tu l’as suivie ? —Exactement. —Après ? —Tu ne devines pas ?....Elle m’a glissé entre les doigts comme une anguille ’ Audet se mit à rire. —Qu’est-ce que je t’avais dit ? Mon vieux, écoute mon conseil : laisse cette femme mystérieuse à ses affaires ! Prends garde.... surtout au panneau ! Bonsoir...je me recouche. Alban Ruel voulut répliquer, mais la communication se trouva interrompue. Le reporter revint à son compagnon qy’il mit au courant de son dialogue avec Audet. —Je suis de l’avis de notre ami. Alban, dit l’architecte. Prends garde d’aller te fourrer dans quelque piège d’où tu ne pourrais sortir que fort éclopé ! —As-tu peur, toi aussi, de cette femme ? —Je ne craindrais que le ridicule. —Oh ! je t’assure qu’on ne se moquera pas de moi. Oui, plus que jamais je tiens à savoir quelle est cette’femme.. .j’y liens, je le saurai ! Rappellc-toi mes paroles ! Sur ce, les deux jeunes gens se mirent à manger avec Iê bel appétit de cet âge. Tous deux étaient assis face à face, et Alban Ruel tournait le dos aux petits salon particuliers. Or, au moment où les deux amis allaient achever leur souper, une femme sortit de l’un des petits salons...une femme très jeune, très belle, très élégante sous sa