Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/50

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d’abord que la femme naturelle jouit de trois biens, telle que leur privation est la source de toutes nos peines, sçavoir : la liberté, la force et la santé. Nous laissons à nos lecteurs le soin de la comparer, sur ces articles, avec la femme civilisée, et nous ne perdrons pas notre temps à discuter ces avantages ; mais il est deux biens sans lesquels les femmes comptent pour rien tous les autres ; la beauté et l’amour. Icy nous aurons besoin de plus de réflexion, pour reconnoître les richesses de la femme naturelle : en effet, sa beauté n’est pas celle de la femme que nous connoissons ; elle n’a ny la peau blanche et délicate, dont le toucher nous flatte si voluptueusement, ny la douce flexibilité, apparente foiblesse, qui semble provoquer l’attaque, par l’espoir du succès, et préparer la deffaite, par la facilité de l’excuse ; elle n’a, surtout, aucune des ressources de la parure dont les femmes de tous les climats sçavent si bien tirer party ; sa peau, colorée par le soleil, est d’une teinte plus brune, mais plus animée ; elle est moins fine, à la vérité, mais, si par là la sensation du toucher est moins générale, elle devient plus forte dans les parties qui en sont le siège et l’organe, et qui ont conservé toute leur sensibilité ; ses chairs, continuellement battues par un air vif, sont plus fermes et plus vivantes. On ne peut mieux comparer ces deux femmes qu’à des fruits, dont les uns seroient venüs en pleines campagnes, et les autres dans des serres chaudes. Le caractère de sa figure est ordinairement la tranquille sérénité ; cependant, qu’elle s’anime, elle a de la phisionomie ; non qu’on puisse dire d’elle, comme