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L’ONCLE ISIDORE

cela ; et du bout de son ongle elle toucha l’une de ses dents blanches.

Je ne vous savais pas si complétement esprit fort, dit Étienne en souriant.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, répondit-elle ; mais si je me suis mal fait comprendre, je puis m’expliquer plus clairement. — Et d’une voix au fond de laquelle tremblaient quelques larmes qu’elle étouffait de son mieux, elle continua : « Je n’ai pas d’amoureux, parce que personne ne m’aime. Je n’en aurai jamais, parce que je ne veux aimer personne.

» Maintenant, que l’on me rencontre me promenant avec vous, qui êtes un monsieur, pendant que je ne suis qu’une ouvrière, je sais très-bien que l’on rira de moi, que l’on dira tout bas en me voyant passer : « Encore une qui s’est laissé prendre à de belles paroles. » Les plus mal élevés diront tout simplement : « La petite Mariette est la maîtresse de M. Étienne. »

» De tout cela je me moque. Je ne tiens pas à me mettre sous cloche, pour être bonne à épouser un ouvrier mal appris et à élever des marmots.

» Je ne vous fais donc nul sacrifice, monsieur Étienne, en méprisant tout ce que l’on peut dire. Je suis heureuse de vous faire plaisir en me faisant plaisir à moi-même. Promenons-nous donc de bon cœur, à moins pourtant, ajouta timidement Mariette, à laquelle revenait tout à coup le souvenir de Mme Hélène, à moins que vous n’ayez à aller au spectacle ou en soirée. »

La meilleure âme féminine reste, à son insu, toujours un peu femme ; aussi Mariette, malgré l’entier renoncement qu’elle croyait avoir fait de sa personnalité, en