Page:Lacroix - Rapport sur deux ouvrages rares, 1860, tiré de Rapports, année 1860, tome 3.pdf/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fautive. « C’est le seul livre xylographique français découvert jusqu’à ce jour, » dit M. J. Marie Guichard, qui avait bien apprécié l’importance de ce volume qu’il croyait pouvoir rapporter au premier établissement de l’imprimerie en France. L’impression de l’Art au morier est bien certainement antérieure à celle des premières bibles, en caractères mobiles, et même à celle des Spéculum. Mais nous n’oserions pas affirmer qu’elle ait eu lieu dans une ville de France, quoique le livre soit une traduction française, accompagnée des planches en bois qui avaient servi aux éditions latines de l’Ars moriendi et que le titre de ce livre accuse le dialecte flamand ou wallon[1].

On sait que la plupart des éditions de l’Ars moriendi ont été imprimées en Hollande et sans doute à Harlem, par Laurent Coster ou par tout autre maître de la corporation des

  1. Cette manière de traduire Ars moriendi par l’Art au morier nous paraît être tout à fait wallonne. À Mons et à Tournay, on disait au quinzième siècle morier pour mourir, en reproduisant autant que possible le bas latin morire. Le glossaire français, qui fait suite au Glossarium infimæ latinitatis de Ducange, cite un texte où l’on retrouve dans le barbarisme morierit la forme du verbe morier. Il y avait aussi, dans la basse latinité, un mot qui a pu servir de racine à morier : c’est moria, que Ducange explique ainsi : Damnum quod morte accidit, et qui est rendu par morie, dans le roman de la Rose.