Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/158

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Pape ; il commença à douter de la réussite de son entreprise. Cependant il poussa résolument la porte et entra de plein pied dans la seule pièce de la masure. L’aspect était misérable. Le papier des murs était sale, déchiré et décollé par places ; des lézardes au plafond enfumé zigzaguaient. Près de la cheminée on voyait un fauteuil Voltaire et une petite table, avec un pot de tisane de guimauve et un verre ébréché. Dans le fauteuil un vieillard courbé en deux, tisonnait des fumerons, émettant plus de fumée que de chaleur.

Ce vieillard était Dieu.

Ce n’était pas le puissant ouvrier qui façonna le monde en six jours, ce n’était pas le terrible Jéhovah qui lança la foudre et les éclairs sur Sodome, qui ouvrit les cataractes du ciel pour noyer les humains, ce n’était pas l’effrayant Dieu de Moïse, qui, sur le mont Sinaï apparut au milieu des éclairs, qui, pour inspirer l’amour semait la terreur, qui promenait sur la face de la terre la désolation, la peste, la famine,

Ce n’était pas le sombre Dieu du Moyen Âge, qui tapi au fond des tabernacles envahis par les ombres humait l’odeur de la chair humaine grillée, et savourait les gémissements et les hurlements des torturés de l’Inquisition ; ce n’était pas le Dieu absolu de Charles-Quint et de Louis XIV, qui portait en sa forte main le globe du monde, ce n’était pas même le Dieu de Voltaire, le chétif horloger, qui remontait tous les matins la machine de l’univers ; ce n’était pas même le Dieu bourgeois, monarque constitutionnel qui régnait et ne gouvernait pas ; ce n’était pas même le Dieu vaporeux