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ment partagé les terres : cela seul faisait un peuple puissant, c’est-à-dire une société bien réglée ; cela faisait aussi une bonne armée, chacun ayant un égal intérêt, et très grand, à défendre sa patrie. » Et ailleurs : « Ce fut le partage égal des terres qui rendit Rome capable de sortir d’abord de son abaissement et cela se sentit bien quand elle fut corrompue. »

Quand elle fut corrompue, c’est-à-dire quand la propriété privée individuelle eut permis l’accaparement des terres et la création des grands domaines ou latifundia. Ces grandes propriétés absorbèrent même l’ager publicus, le domaine commun qui représentait encore l’ancienne « marche » collective ; elles l’absorbèrent si bien que, selon Pline, dans certaines provinces, l’ager publicus tout entier était possédé par quelques familles.

Pline nous donne une idée de ces latifundia : un citoyen romain, Claudius Isidorus, riche déjà de 60 millions de sesterces sonnants et trébuchants, possédait en outre 90.000 hectares avec 4.166 esclaves et 257.000 moutons. Et Pétrone, dans le Satyricon, nous présente le domaine de Cumes, appartenant à Trimalcion, si vaste qu’en un seul jour, le 7 avant les calendes d’août, trente garçons et quarante filles sont nés sur ces terres. Toute une province, la Chersonèse de Thrace, appartenait au seul Agrippa, et Cicéron estime à moins de 2.000 le

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