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mande, la féodalité réduit le plus grand nombre en servage ou dans un état de grande dépendance, mais peu à peu ils font fixer leurs prestations en travail et en nature, les convertissent en redevances pécuniaires non sujettes à augmentation et reconquièrent ainsi une sorte de propriété.

Cette émancipation fut d’abord favorisée par l’emploi du numéraire, qui eut une fortune rapide dans ce pays essentiellement commerçant et amena le remplacement de la corvée par le bail à ferme. Après la grande peste qui enleva un nombre considérable d’hommes, les salaires haussaient à tel point que les seigneurs n’avaient plus d’intérêt à exploiter eux-mêmes leurs terres et trouvaient plus avantageux de les louer. Comme, d’autre part, les cours de justice décidèrent, sous Édouard IV, que les cultivateurs ne pouvaient être expulsés aussi longtemps qu’ils remplissaient les obligations déterminées par la coutume, la location devint en fait une possession permanente.

C’est ainsi que, à la faveur de conditions économiques propices et alors qu’ailleurs le servage devenait plus pesant, il se constitua en Angleterre une classe nombreuse de cultivateurs propriétaires, classe aisée, indépendante, comprenant une infinité de degrés, depuis le squire, qui touchait à la noblesse, jusqu’au cotier, ouvrier rural qui avait sa maison et son champ. C’est

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