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On nous objectera que, sauf rares exceptions, ces plus-values n’ont pas profité à une seule personne, mais ont été partagées entre plusieurs vendeurs successifs. Mais en quoi le fait d’être plusieurs à bénéficier de l’effort de la collectivité toute entière diminuerait-il l’immoralité de ce profit ? Car ce qui est immoral, ce n’est pas l’importance de la plus-value ; mais bel et bien qu’elle aille à ceux qui n’ont rien fait, ou bien peu, pour la créer.

On nous objectera que nos exemples portent sur des terrains urbains, que ce qui est vrai pour la ville ne l’est plus pour la campagne. On nous objectera encore que si, au lieu de mettre un capital en terre, on l’eût placé en banque, il se serait, par le simple jeu des intérêts, accru dans une proportion importante. N’en croyez rien et suivez plutôt le parallèle que vous montre Avenel, avec deux possesseurs de biens, meubles pour l’un, immeubles pour l’autre, qu’il prend en 1200 et qu’il suit jusqu’à la Révolution.

Au départ chacun d’eux possède mille livres tournois, qui font 98.000 francs en monnaie de nos jours, d’après son pouvoir d’achat. L’un fait valoir son argent en prêts mobiliers qui, au taux de 20 pour 100, lui rapportent environ 19.000 francs par an ; l’autre le place en fonds de terre, ce qui lui donne, au prix moyen de l’époque, 161 hectares qui lui rapporteront

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