Page:Laforgue - Œuvres complètes, t1, 1922.djvu/36

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Oh ! l’on finira bien pourtant par nous entendre !
On verra des signaux, et les Soleils un jour
Arrivant des lointains bénis viendront nous prendre
Et nous emporteront dans la Fête d’amour.

Comme on s’empressera devant ces pauvres frères !
Oh ! que de questions ! et nous leur dirons tout,
La mort, nos dieux, nos arts, nos fanges, nos misères,
Et que sans moi la Terre eût souffert jusqu’au bout.

Et tout nous gâtera : bêtes, fleurs, êtres, choses.
Tous les morts renaîtront à l’unique aujourd’hui,
Croyant avoir rêvé, dans ces apothéoses
Les mondes au complet s’aimeront sans ennui.

Oh ! spasme universel des uniques vendanges !
Dans ce baiser qui fond le tout dans l’Idéal,
Moi je me sens plus triste encor parmi ces anges,
Moi, devenu de Christ humain Christ sidéral.

Car il faut que je saigne et toujours et quand même,
Mais on n’en saura rien, je vivrai dans les bois,
Évitant les vivants de peur que quelqu’un m’aime :
Et seul, je pleurerai les choses d’autrefois.