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POÉSIES

LE VAISSEAU FANTÔME

Il était un petit navire
Où Ugolin mena ses fils,
Sous prétexte, le vieux vampire !
De les fair’ voyager gratis.

Au bout de cinq à six semaines,
Les vivres vinrent à manquer,
Il dit : « Vous mettez pas en peine ;
» Mes fils n’m’ont jamais dégoûté ! »

On tira z’à la courte paille,
Formalité ! raffinement !
Car cet homme, il n’avait d’entrailles
Qu’pour en calmer les tiraill’ments,

Et donc, stoïque et légendaire,
Ugolin mangea ses enfants,
Afin d’leur conserver un père…
Oh ! quand j’y song’, mon cœur se fend !

Si cette histoire vous embête,
C’est que vous êtes un sans-cœur !
Ah ! j’ai du cœur par-d’ssus la tête,
Oh ! rien partout que rir’s moqueurs !…