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LETTRES 1881-1882

flaques d’eau, balayée de rafales, d’averses. Il y aura au moins un peu d’eau dans la Sprée.

Mais vous savez que je n’ai rien reçu en fait d’Albert Dürer !! Vous m’écrivez que vous m’avez envoyé un exemplaire, vous me demandez s’il a bonne mine ! Je n’ai rien reçu ! — Tout le monde est de la fête excepté moi ! à quoi attribuer cela ? Je suis au désespoir. Est-ce que les livres s’égarent dans les postes allemandes ? Il aura été du côté de Nuremberg ! Qui me donnera mon Albert Dürer ! Il me tarde tant de voir si les tables sont irréprochables !

Vous voyez qu’il a du succès ! Et puis ce n’est pas un roman, un livre de vers, une bulle de savon. C’est un moellon, quelque chose édifié lentement et qui reste. C’est égal, je ne vous ai vu qu’à la fin, quand vous n’aviez plus besoin que du coup de main d’un manœuvre quelconque, mais je sens l’énorme d’un pareil bouquin, si touffu, si exact, où il n’y a que des os et pas de baudruches à donner à dégonfler aux plumes de la critique. D’abord les longues années à dépouiller et à s’assimiler indéracinablement l’immense alluvion formel par tous les livres, toutes les brochures apportés sur l’homme. Puis les vagabondages à travers l’Europe, archives, bibliothèques, musées, estampes inaccessibles, collections privées, avec les minuties infinies