Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/102

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Il mouille de longues larmes lustrales les linges de la Sainte-Table.

— Tu verras comme je suis gentille, assure-t-elle tout bas. Comment ! tu claques des dents ! Mais ne t’impressionne donc pas ! Moi je ne crois à rien d’ici ! ma parole, je considère leur Lune comme une marâtre, une glabre idole de vieux.

— Non, vois-tu, ce sont ces orgues...

— Ah ! tu sais, j’adore la musique, moi !

Les soprani des tribunes ululaient :

« Orphelins énamourés, les prairies de la jeunesse attendent vos hanches défaillantes. Titubant et bêlant le long des ritournelles des nocturnes loriots de vos cœurs, et vous flagellant d’étamines choisies, hypnotisez-vous devers la Lune, pour la saison des semailles, et caressez-vous ensuite bien singulièrement pour déchrysalider vos papillons de nuit ! Car tout le reste n’est que Désir. »

Enfin, l’orgue dévidant l’écheveau d’une fugue sur le thème connu : « Il se fait tard », on sort moins processionnellement qu’on n’était entré,brisé de tant d’émotions contraires.

La nuit serait chaude. Les toits, les grèves, la ville et la campagne dorment gelés de lune ; les pelouses de la mer miroitent inondées de clair de lune de gala ; l’espace est tout saupoudré d’une invisible manne de sortilège.

L’éblouissante hostie est au zénith ! Et l’on aurait presque envie de détacher les gondoles pour aller là-bas, sur l’eau miroir, capturer avec un filet son immobile image si en hostie éblouissante !...