Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/141

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laissait les bras à leur angélique nudité, formait entre les deux soupçons de seins aux amandes piquées d’un œillet, une écharpe brodée de ses dix-huit ans et, s’attachant un peu plus haut que l’adorable fossette ombilicale en une ceinture de bouillonnes d’un jaune intense et jaloux, s’adombrait d’inviolable au bassin dans l’étreinte des hanches maigres, et venait s’arrêter aux chevilles, pour remonter par derrière en deux écharpes flottant écartées, rattachées enfin aux brassières de nacre de la roue de paon nain en fond changeant, azur, moire, émeraude, or, halo à sa candide tête supérieure ; elle vacillait sur ses pieds, ses pieds exsangues, aux orteils écartés, chaussés uniquement d’un anneau aux chevilles d’où pleuvaient d’éblouissantes franges de moire jaune.

Oh ! le petit Messie à matrice ! Que sa tête lui était onéreuse ! Elle ne savait que faire de ses mains, les épaules même un peu gênées. Qui pouvait bien lui avoir crucifié son sourire, la petite Immaculée-Conception ? Et décomposé le bleu de ses regards ? — Oh ! exultaient les cœurs, que sa jupe doit sentir simple ! Que l’art est long et la vie courte ! Oh, causer avec elle dans un coin, près d’un jet d’eau, savoir non son pourquoi, mais son comment, et mourir !... mourir, à moins que...

Elle va peut-être raconter des choses, après tout ?...

Penché en avant, parmi les soyeux coussins éboulés, ses rides dilatées, ses pupilles jutant derrière les créneaux de leurs paupières dédorées, tourmentant par contenance le Sceau pendu à son cou, le Tétrarque venait de passer à un page l’ananas qu’il grignotait et sa tiare de tours.