Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/154

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de prismes d’optimisme ! Ô Jeunesse, ô beauté, ô unanimité ! Oh ! du soleil !...

Immortel et jeune, Pan n’a jamais aimé comme lui et moi l’entendons.

Toute la nuit, dans la vallée inondée d’un mémorable solo de lune, il s’est plaint amèrement sur son imparfait et monotone pipeau-galoubet, sur son galoubet de deux sous. Puis il a fini par s’endormir. Ses rêves lui ont encore plus vidé le cœur. À l’aube, il a étiré et déraidi ses jambes de chèvre dont les poils étaient frisés de rosée (il ne fait plus de gymnastique) ; et maintenant il est là dans les thyms, à plat-ventre et accoudé, et il a recommencé à se seriner sa détresse sur son galoubet qui n’a que quatre notes, et il est seul dans la fine solitude matinale. Que faire, quand on aime, sinon attendre ainsi, en plein air, en essayant de s’exprimer par l’art ?...

Pan attend et chante ainsi : <poem style="margin-left:8em; font-size:85%">

L’Autre sexe ! L’Autre sexe ! Oh ! toute la petite Ève Qui s’avance, ravie de son rôle, Avec ses yeux illuminés D’hyménée, Et tous ses cheveux sur ses épaules, Dans le saint soleil qui se lève !…

Oh ! dites, dites ! La petite Ève descendant des cimes, Avec sa chair de victime Et son âme toute en rougeurs subites !…

Un corps, une âme Amis d’enfance !