Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/161

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Pan qui la voyait déjà toute effrayée et tenait prêt un « oh ! n’ayez pas peur ! » qui aurait enfilé la situation, se contente de dire :

— Je suis malade, si malade ! Oh ! je vous entends bien ! Vous allez m’objecter, toute révoltée, que vous passiez, que vous n’êtes qu’une occasion. Qu’en savez-vous ? Et d’abord comment passiez-vous par ici ? Vous vous taisez… Moi, je ne serais pas ingrat ! Ah, tenez, laissons cela.

Il baisse la tête et se remet à déchiqueter des brins d’herbes et des fleurettes aussi, comme un vil maniaque. Il relève les yeux : elle le regarde de toute sa beauté qui semble décidément sans but. — S’il se jetait immortellement à ses pieds pour l’étourdir. — Mais il se contient. Arrivera ce qui doit arriver ; tout est dans Tout. Et il reprend son galoubet, son vieux biniou, d’un air déjeune homme à qui l’art suffit, à qui quelques gammes par jour suffisent.

Il roucoule chimériquement :


Beaux yeux illuminés
D’hyménée !

Ame toute en vraies rougeurs subites,
Chair toute ointe de fausses pistes !
Ce n’est pas sa chair qui me serait tout,
Et je ne serais pas que le grand Pan pour elle,
Mais quoi ! aller faire les fous,
Dans des histoires fraternelles !

Avril ! Avril (ici un ritardendo à mourir)
Notre bonheur ne tient qu’à un fil !