Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/177

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pusculaires de la rivière lente et mortuaire sous le beau ciel du soir.

Cela s’est fait sans un mot. C’est fini.

Et c’est le soir, le soir qui ne porte pas conseil.

Oh ! là-bas, en face au ras de l’eau, est-ce encore sa tête adorée qui regarde encore immobile, ou simplement un bouquet de lys d’eau qui jouit dans son genre ?

C’est fini, la rivière s’endort.

Ce fut une vraie vierge et assurément un signe de temps nouveaux.

Alors, Pan, sans se décider à quitter des yeux ce tombeau de son rêve contradictoire, à cette révélation de temps nouveaux auxquels son génie ne va peut-être pas suffire, se met à soupirer un «oh !» d’une mélancolie si adorablement jeune ! Ah ! un « oh ! » si désintéressé après toute cette journée, un « oh ! » si inviolablement inconsolable et méconnu, si innocemment unique ! Oh ! ça a été si bien heureusement un de ces « oh ! » comme on n’en entendra plus, quoi qu’apportent tous les temps nouveaux, que voici qu’une voix de musique s’élève, s’est exhalée de ce bouquet de lis d’eau, en face, et glisse sur la rivière mortuaire et dit : « Ô brises, » allons, tenez, remettez-lui mon âme. »

Et certaine brise glisse qui vient exécuter des choses en frou-frous alises dans le rideau des roseaux en hautes tiges creuses, aux longues soyeuses feuilles, aux panaches chanteurs.

Des choses, cette brise d’âme dans les roseaux ! Pan dresse ses oreilles pointues.