Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/181

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chasteté peu immortelle qui a besoin, pour tenir bon, de s’attirer par ces appas le spectacle répugnant et réconfortant du mâle mis hors de lui, du mâle ilote !

« Et d’où te vient cette divinité ? D’un grand amour enterré ou impossible ? Mais non ! Jamais tu n’as rêvé de notre sexe, de notre sexe si légitime ! Non, tu as été élevée dans les forêts, et les grandes chasses en toute saison, et les rudes soies des sangliers, et le sang et les abois, et les douches des fontaines au fond des bois. Tu es un homme, un homme sublime et pâle, un planteur à pauvres esclaves blanches, et tu fouailles cruellement tes compagnes en chasse, et, par des incantations inavouables, tu leur cautérises leur pauvre sexe au fond des forêts claustrales. Oh ! va, je sais tout ! Je ne suis pas un halluciné. Tout est dans Tout et j’en suis la brave sentinelle empirique ! »

Mais la Lune reste là, rondement aveuglante, seule dans tout le ciel...

Et Pan, qui grelotte la fièvre, en tombe à des rêves, à des Mille et une Nuits d’abjection, dans le vent du soir qui flâne, qui flâne charriant les haleines de tous les coins,les bêlements de tous les bercails, les soupirs de toutes les girouettes, les aromates de tous les pansements, les frou-frous de toutes les écharpes perdues aux ronces des grands chemins.

Ô enchantement lunaire ! Climat extatique ! Est-ce bien sûr ? Est-ce l’Annonciation ? N’est-ce que l’histoire d’un soir d’été ?

Et Pan, bondissant comme un fou, sans avoir dit adieu à la rivière morte, et pressant sa flûte nouvelle contre son flanc