Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/195

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rumeur de déluge. Andromède dégringole la falaise, et reprend son galop vers la mer, et piaule dans l’averse :


Ah ! qu’il fût un remède
Au bobo d’Andromède
          Hissaô
          Au bobo.


Des larmes lui ruissellent sur sa poitrine enfantine, tant cet air est triste. Et l’averse est déjà loin et le vent ébouriffe ses cheveux, et tout est rafales...


          Hissaô !
Puisque nul ne m’vient en aide,
Je vais me fiche à l’eau !
          Hissaô !


Mais c’est une baignade, elle court prendre une simple baignade. D’ailleurs, au moment de piquer son plongeon, elle se détourne. Se baigner, encore et toujours ! Elle est si lasse de jouer avec ses sœurs vulgairement potelées les vagues, dont elle connaît à satiété la peau et les manières. Et la voilà qui s’étale sur le dos dans le sable trempé, les bras en croix face aux flots déferlants. C’est bien mieux ainsi, elle n’a qu’à attendre un bon paquet d’eau. Après un va-et-vient de menaces, une volute cabrée accourt, et lui saute dessus. Les yeux clos, Andromède la reçoit ferme, avec un long sanglot d’égorgée, et se tord à retenir de tous ses membres ce mouvant oreiller glacé qui s’écoule, et ne lui laisse rien entre les bras…

Elle s’assied, hébétée, regarde ses chairs piteuses et