Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/197

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un peu épuisée, sa falaiseen promontoire, où du moins quelqu’un d’intelligent, son miroir l’attend.

Mais la vilaine pluie a troublé la pureté de son triste miroir.

Andromède se détourne, elle va éclater en sanglots, mais voici un grand oiseau de mer qui arrive à pleines voiles, comme droit vers l’île, vers la falaise, pour elle peut-être ! Elle pousse un long piaulement d’appel, et s’affaisse contre le roc, les bras en croix et ferme les yeux. Oh ! que cet oiseau fonde sur sa petite personne prométhéenne exposée là par des dieux, et, perché sur ses genoux, commence d’un bec implacablement salutaire, à lui retirer le brûlant noyau de son bobo.

Mais elle sent le vol du grand oiseau qui passe : elle rouvre les yeux, il est déjà loin, préoccupé de charognes autrement intéressantes sans doute.

Pauvre Andromède, on voit qu’elle ne sait par où prendre son être pour l’exorciser.

Que faire ? sinon recontempler la mer si bornée et cependant si seule ouverte à l’espérance... Et encore, que son tourment à elle est petite fille, en face de cette solitude à perte de vue ! D’une lame, la mer peut l’assouvira mort ; mais elle, petite chair grêle, apaiser et réchauffer la mer ! Ah ! elle aurait beau étendre le # bras... Et puis, d’ailleurs, qu’elle est lasse ! Autrefois elle galopait tout le jour dans son domaine, maintenant lespalpitationsdecœur... Encore undeces grands oiseaux de mer qui passe. Elle voudrait tant en adopter un, le bercer ! Aucun ne fait halte sur l’île. Il faut les tuer à coup de fronde pour les voir de près.