Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/205

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— Andromède, ô noble Andromède, rassure-toi, c’est Persée. C’est Persée, fils de Danaé d’Argos et de Jupiter changé en pluie d’or. Il va me tuer et t’emmener.

— Mais non, il ne te tuera’ pas !

— Il me tuera.

— Il ne te tuera pas s’il m’aime.

— Il ne peut t’emmener qu’en me tuant.

— Mais non, on s’entendra. On s’entend toujours. Je vous arrangerai ça.

Andromède s’est levée de sa place familière et regarde.

— Andromède, Andromède ! songe au prix de ta chair unique, au prix de ton âme fraîche, une mésalliance est si vite consommée !

Mais est-ce qu’elle entend ! La face en avant, les coudes au corps, les doigts crispés aux hanches, elle se tient sur la rive, toute brave et féminine, encore.

Miraculeux et plein de chic, Persée approche, les ailes de son hippogriffe battent plus lentement ; — et plus il approche, plus Andromède se sent provinciale, et ne sait que taire de ses bras tout charmants.

Arrivé à quelques mètres devant Andromède, l’hippogriffe, bien stylé, s’arrête, ploie les genoux au ras des flots, tout en se soutenant d’un rose frémissement d’ailes ; et Persée s’incline. Andromède baisse la tête. C’est donc là son fiancé. Quel va être le son de sa voix, et son premier mot ?

Mais le voilà qui repart sans un mot et, ayant pris du champ, s’élance et se met à décrire des ovales en passant et repassant devant elle, caracolant au ras de la mer miracu-