Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/57

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quelque chose. Le garde est mon père nourricier. Tu verras chez lui une miniature de moi en bébé.

Hamlet s’aperçoit qu’ils vont justement passer près du cimetière.

(Le cimetière...)

Et le voilà qui, piqué d’on ne sait quelle tarentule, descend de son cheval qu’il attache à un arbre, un arbre indifférent et mélancolique.

— Kate, attends-moi une minute. C’est pour la tombe de mon père, qui a été assassiné, le pauvre homme ! Je te raconterai. Je reviens à l’instant ; le temps de cueillir une fleur, une simple rieur en papier, qui nous servira de signet quand nous relirons mon drame et que nous serons forcés de l’interrompre dans des baisers.

Il s’avance dans le clair de lune parmi les ombres crues des cyprès sur les pierres, il va droit à la tombe d’Ophélie, de la déjà si mystérieuse et légendaire Ophélie. Et, là, les bras croisés, il attend.

— Décidément,


     Les morts
C’est discret ;
     Ça dort
Bien au frais.


— Qui va là ? C’est toi, Hamlet de malheur ? Que viens-tu faire ici ?

— C’est vous, mon cher Laërtes, quel bon vent ?…

— Oui, c’est moi ; et si vous n’étiez un pauvre dément, irresponsable selon les derniers progrès de la science, vous